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Les contacts avec l’extérieur

Les internés confinés derrière les barbelés, éprouvent une véritable fascination pour le monde extérieur.

Plusieurs dizaines d'années après, les survivants avouent qu'ils ressentent encore, toujours aussi présente, cette angoisse de ne pas appartenir tout à fait au monde des vivants. L'ancien de Gurs, le Gursien, c'est encore un reclus qui s'étonne parfois d'évoluer aujourd'hui à l'extérieur.

Nous ne reviendrons pas ici sur les rapports avec le personnel français ou sur le marché noir, présentés par ailleurs. Nous abor­derons seulement les autres formes de contacts quotidiens : les visi­tes, le courrier et l'action des Œuvres philanthropiques.

Camp de Gurs | Les contacts avec l’extérieur | Gurs (64)

Le spectacle du camp

Un des principaux soucis des préfets qui se sont suc­cédés à la tête du département de 1939 à 1944 (Ange Chiappe, Emile Ducommun, Paul Grimaud et Jean-Paul Tomasi) est de limiter autant que faire se peut les conséquences de la présence des Gursiens en terre béarnaise. Pour cela, il convient non seulement de les contrôler étroi­tement, mais aussi de réglementer leurs possibilités de contact avec d'éventuels visiteurs. Tout un arsenal de décisions admi­nistratives est adopté en ce sens, dès l’été 1939 : réglementation de la circulation automobile autour du camp, interdiction de stationner son véhicule « au droit du camp de Gurs, sur une longueur de deux kilomètres de la RN 636 », et même interdiction du stationnement des piétons, etc... En réalité, les piétons, les curieux et les badauds ont toujours circulé autour du camp, particulièrement le dimanche après-midi, malgré la mauvaise humeur affichée à leur encontre par les gendarmes et les gardiens.

Car les arrêtés préfectoraux visent davantage la famille ou les proches des internés que les habitants de la région. Ces derniers trouvent toujours un prétexte pour expliquer leur présence sur la route nationale jouxtant le camp : soit la visite à un gardien, soit une question liée au ravitaillement, soit une halte-rafraichissement dans une des gargotes des mercantis. Les visiteurs étrangers, en revanche, décontenancés par les injonctions des gardiens et peu enclins à demander conseil aux mercantis, sont directement touchés. Ce sont eux, d'abord, qui sont éloignés du camp.

Avec les restrictions imposées par Vichy, particulièrement sur le plan de la circulation automobile et du ravitaillement en essence, le spectacle du camp connait un succès déclinant. À partir de 1941, les badauds sont de moins en moins nombreux et les visites familiales se raréfient. Mais il n’a jamais totalement disparu.

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Les relations des Gursiens avec l’extérieur

Deux arrêtés préfectoraux définissent les relations des internés avec le monde extérieur.

Le premier est promulgué le 7 juillet 1940. Il astreint tous les anciens internés libérés à quitter le territoire du département et à partir s’installer ailleurs. À cette époque, le camp se vide de ses indésirables, qui n’ont aucunement envie de rester dans la région et tentent de rejoindre Marseille ou Lisbonne pour gagner les Amériques. Il n’empêche que, pendant toute la période de Vichy, les anciens internés de Gurs ne peuvent être assignés à résidence dans le département.

Le deuxième est plus contraignant encore. Promulgué le 10 janvier 1941, il stipule que : « les ressortissants étrangers et les individus suspects séjour­nant dans les zones non-occupées des départements des Landes et des Basses-Pyrénées doivent être refoulés dans un rayon de trente kilomètres autour du camp de Gurs. »

Dès lors, le système répressif vichyssois enferme le camp dans un véritable carcan et les possibilités de contact avec le monde extérieur s'en trouvent rédui­tes à leur plus simple expression. Elles le resteront jusqu'en 1944.

Il en résulte, du point de vue juridique, une situation assez exceptionnelle pour le département des Basses-Pyrénées. Celui-ci se trouve, en effet, divisé en quatre parties : la zone occupée à l'ouest, la zone non-occupée à l'est, la zone interdite au sud et la zone de Gurs au centre. Du point de vue des familles d'internés, la mesure se révèle dramatique car les villes de Navarrenx, Oloron et Orthez, qui leur servaient habituellement de lieux de résidence, sont désor­mais incluses dans cette sorte de seconde zone interdite. Pau, en revanche, reste en dehors, comme la partie orientale du département, particulièrement la région de Nay, ce qui explique le nombre important d'anciens internés qui tentent alors de s’y cacher avec leur famille.

Dans les faits, les familles juives des internés sont tenues à l'écart. Les visites au par­loir leur sont à peu près impossibles, en raison de la distance qu'il faut parcourir pour se rendre à Gurs. L'arrêté du 10 janvier 1941 exerce donc un important effet dissuasif sur tous les réfugiés cachés ou assignés à résidence à l’est du département, d’autant plus que, en cas d'infraction, ils sont eux-mêmes menacés d'internement au camp. Gurs devient donc, à partir de 1941, une sorte de ghetto et le restera jusqu'en octobre 1943, date de la première dis­solution du camp.

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Le parloir du camp, toujours vide

Du fait de la réglementation préfectorale, il est très difficile aux familles de pouvoir accéder au parloir.

Lorsque c’est le cas, des précautions draconiennes sont prises : vérification pointilleuse des titres d’identité, signature obligatoire du registre, fouille systématique des visiteurs, présence obligatoire d’un surveillant, temps de rencontre limité, etc... La raison invoquée est de limiter au maximum les possibilités de trafic ou de marché noir, mais personne n’est dupe, il s’agit bien de dissuader toute visite aux internés.

C’est pourquoi, dans les témoignages ou le courrier adressé par les Gursiens à leur famille, il n’est pratiquement jamais question du parloir. La solitude n’en est que plus lourde dans les baraques.

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Les rares permissions

Qu’elles soient de courte ou de longue durée, elles se raréfient et disparaissent complètement après l’hiver 1940-41.

A l’automne 1940, il existait encore la possibilité, pour les cantinières d’îlot, de quitter le camp pendant quelques heures, de sillon­ner les villages environnants et de tenter de trouver des suppléments de nour­riture. Il s’agissait, de fait, de permissions de courte durée. Ce type de sortie est supprimé par le chef de camp le 3 décembre 1940 (voir fiche 14), du fait de la raréfaction des produits qu’il engendrerait au marché de Navarrenx.

A partir du 1er janvier 1941 et jusqu'à la Libération, c'est-à-dire pendant tout le temps où le camp est administré par les civils, les permissions de courte durée ne sont plus accordées, sous quelque prétexte que ce soit. Elles sont interdites par le règlement du camp, définitivement adopté le 17 janvier 1941, « sauf cas d'une incontestable gravité. »

En revanche, une nouvelle catégorie de permission apparait, les congés de longue durée. Généralement d’une durée d’un mois, ils sont plusieurs fois renouvelables et correspondent à une sorte de libération avec assignation à résidence. Leurs bénéficiaires ne sont pas tirés d’affaire pour autant puisque les rafles du 26 août 1942 viendront les expulser de leur domicile pour les déporter.

Au total, les permissions de courte ou de longue durée ne con­cernent que quelques privilégiés, à quelques périodes privilégiées.

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Le courrier suveillé et censuré

Le courrier reste le plus sûr moyen d'entrer en contact avec le monde extérieur. Pourtant, là encore, les obstacles administra­tifs ne manquent pas, à commencer par la censure, qui retarde la remise effec­tive de la correspondance d'au moins une semaine. La censure n’est véritablement opérationnelle qu’à partir du 1er janvier 1941. Jusqu’alors, il est encore possible pour les internés de témoigner de leurs misérables conditions de vie au camp, ce qui explique certaines lettres reproduites dans la presse nord-américaine ou suisse. Ensuite, cela devient à peu près impossible, sauf à employer un langage crypté. Au même moment est imposée la règle des lettres hebdoma­daires maximum, qui limite encore davantage les possibilités de contacts. Enfin et surtout, courant 1941, l’emploi des cartes de correspondance, pré-timbrées et partiellement rédigée, devient obligatoire.

Malgré ces contraintes, le trafic postal de Gurs est considérable. Son volume global en fait le troisième centre du département, après Pau et Bayonne. Le nombre des courriers quotidiens (départ et arrivée) avoisine 5 000 en octobre-décembre 1940, pour fluc­tuer ensuite entre 2 000 et 3 000.

Encore ne s'agit-il là que du courrier acheminé par le canal officiel de la poste du camp. Car des filières clandestines, qui présentent l'avantage d'éviter la censure et les autres contraintes administratives, fonctionnent parallèlement, en particulier par l'intermédiaire des délégués des Œuvres, des travailleurs étrangers du 182ème GTE ou du personnel français. Il semble même qu'un véritable réseau d'ache­minement du courrier ait fonctionné en 1941 et 1942, organisé autour de Jeanne Merle d'Aubigné, responsable du Secours protestant, et Ruth Lambert, déléguée de l'OSE.

Au total, le bilan des rapports avec le monde extérieur est des plus réduits. Les visites et les permissions sont exceptionnelles. Le courrier ne sau­rait contenir la moindre allusion aux rigueurs de la vie du camp. Les autres possibilités de contact sont nulles. Rappelons que la troupe d'Alfred Nathan a toujours été confinée dans les îlots, malgré les propositions qui lui étaient faites par les municipa­lités des environs. Toute somme d'argent des­tinée à un interné doit être obligatoirement versée sur le compte de l'intendant du camp, ce qui entraine un tarissement presque total des envois de fonds, du moins par le canal officiel.

C’est pourquoi, il est compréhensible que les rares survivants de cette période affirment que le ghetto de Gurs n'était pas moins her­métique que certains autres, officiels, instaurés en Europe centrale.

 

 

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